Le goût amer est de loin le grand oublié de nos repas qui sont essentiellement construits autour des goûts sucré, salé et acide. Pourtant s’il ne flatte pas le palais, le goût amer est un excellent moyen d’enrichir la saveur d’un repas : en effet, s’il empêche dans un premier temps la perception des autres goûts, dans les secondes qui suivent, toute nourriture prise après le goût amer prend un relief particulier qui la met en valeur. Voici quelques-unes des qualités du goût amer cités dans deux grands textes classiques de l’Ayurvéda :

Un allié de la digestion

De par ses qualités sèche et légère, le goût amer stimule le feu digestif : il ouvre l’appétit et aide à la digestion. Ainsi pour les profils kapha dont le feu digestif est fréquemment déficient, ou pour les profils vata, l’usage de fenugrec en épice dans le repas soulage la digestion et diminue la production de toxines. Pour les profils Pitta dont le feu digestif s’est affaibli, le curcuma, au goût très amer est un allié de choix.

Un anti-graisse qui diminue les envies de sucre

En plus d’assécher le pus, le mucus, les selles et les urines, l’amer pacifie les doshas kapha, pitta, et assèche la graisse. Il est intéressant de noter que la disparition dans notre alimentation du goût amer au profit des goûts sucré et salé va de pair avec une augmentation de l’obésité et du diabète. D’ailleurs si nous observons nos sensations lors d’un repas où l’amer est présent, nous remarquerons qu’il fait ressortir la saveur sucrée des autres éléments auquel il est associé, ce qui réduit mécaniquement le besoin du goût sucré.

Un « purifiant »

Le goût amer est excellent pour purifier le sang et détoxifier l’organisme, ce qui le rend utile en interne en cas de maladies de peau telles que démangeaisons et urticaire. Il peut également être employé pour purifier le lait maternel, par exemple lorsque bébé développe des maladies de peau (en revanche il doit être utilisé à bon escient sous peine de tarir le lait : pensez à la sauge que l’on utilise pour ses propriétés anti-galactogènes). Il lutte également contre bactéries et parasites, et l’on reconnaît d’ailleurs aujourd’hui au curcuma qui fait partie des épices très amères, des propriétés bactéricides, fongicides et parasiticides.

Parmi les autres propriétés citées, on note également que cette saveur apaise la soif et rafraîchit, ce qui explique en partie l’appétence pour les boissons amères en été. Il est réputé utile pour ranimer en cas d’évanouissement, mais aussi pour calmer la fièvre.

Les vertus du goût amer ne doivent cependant pas faire oublier que comme toute substance en Ayurvéda, il doit être consommé à bon escient : Pour rappel, l’amer équilibre kapha et pitta. Mais utilisé de manière exclusive, en excès, ou inappropriée il cause un épuisement des tissus du corps et perturbe le dosha vāta. De ce fait, certaines personnes à profil vāta ou présentant un déséquilibre important de ce dosha peuvent ressentir une très forte aversion pour l’amertume : le corps limite ainsi l’aggravation de l’énergie vitale en excès en évitant la substance non désirable pour sa constitution.

Comment l’associer aux repas?

Selon l’Ayurvéda, chaque saveur présente des propriétés essentielles à notre santé, et pour être équilibré, un repas doit comporter les six goûts : sucré, salé, acide, astringent, piquant et amer. On peut aisément incorporer le goût amer aux repas en ajoutant des herbes et des épices comme par exemple le curcuma, le persil, le fenugrec, la sauge, le cacao… Parmi les légumes, on peut citer l’aubergine, dont l’amertume est perceptible notamment dans sa peau, et qui est excellente pour diminuer la graisse tout en stimulant l’appétit (très utile pour les profils Kapha). On retrouve également l’amer dans les endives, les artichauts, la roquette, le pissenlit, l’asperge, certains navets et brocolis. Ajoutez donc cette saveur inhabituelle à vos repas  et prenez le temps de la savourer et la distinguer : vous diminuerez ainsi les envies de café et de goût sucré tout en bénéficiant de ses vertus pour votre santé.

Sources : Susruta Samhita Su. 42/15. Susruta Samhita – Text with english translation by Kaviraj Kunjalal Bhishagratna, prologued & edited by Dr. Jyotir Mitra – Chowkhamba Sanskrit Series Office. Varanasi
Ashtanga Hrudayam Su. 10/14-16. Vagbhata’s Astanga Hrdayam – Text, English Translation, Notes, Appendix and Indices – vol 1, Translated By: Prof. K.R. Srikantha Murthy

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